Une programmation par décrets – POLITICO

La source d’informations quotidiennes sur l’énergie et le climat en France.

Par AUDE LE GENTIL

Avec NICOLAS CAMUT, ALEXANDRE LÉCHENET et ARTHUR NAZARET

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— Le gouvernement renonce pour de bon à une loi de programmation énergie climat

— La to-do list de Christophe Béchu

— Le décret agrivoltaïsme suscite des envies de recours

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes le mercredi 10 avril et vous lisez le deuxième numéro d’Energie & Climat Matin !

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PAS DE LOI CLIMAT. Alors que de nombreux acteurs espéraient un débat parlementaire sur les objectifs climatiques et énergétiques de la France, cette piste est écartée par le gouvernement, a appris votre infolettre auprès de plusieurs sources au sein de l’exécutif. Les autres mesures du texte sur la souveraineté énergétique devraient être réparties en plusieurs textes législatifs. Mon collègue Alexandre Léchenet résume tout ça dans cet article.

Que les avides de débat se rassurent, la publication des décrets sur la programmation énergétique et la stratégie bas carbone donneront lieu à une consultation publique sous l’égide de la Commission nationale du débat public, où ils pourront faire entendre leur voix.

Quant à ceux qui aimeraient un texte fissa, un conseiller ministériel rappelle que la stratégie française a été partagée à l’automne, et qu’il n’y a pas de surprise sur la vision du gouvernement depuis 2022. “Depuis le discours de Belfort, nous sommes constants sur l’évolution du mix énergétique, le boost ENR. La visibilité on la donne très nettement, il faut juste qu’on la complète avec les textes réglementaires.”

A 9 heures 30, audition de Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, sur l’adaptation au changement climatique, par la commission du développement durable à l’Assemblée nationale.

A 14 heures, réunion de la COP Bretagne à Rennes.

A 16 heures 30, audition de Luc Rémont, PDG d’EDF, par la commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité.

LES DEVOIRS DE BÉCHU. Comme chaque ministre, Christophe Béchu a reçu le 1er mars sa feuille de route pour 2024, signée par Gabriel Attal. Un document que votre infolettre a pu consulter en exclusivité. L’année qui vient sera celle de “l’atterrissage” de nombreux dossiers et de la mise en œuvre après la planification, explique son cabinet. Voilà ce qu’on en a retenu:

D’abord, un gros morceau, le Plan national d’adaptation au changement climatique. Une liste d’actions “de court et long terme” sera présentée “en avril”, selon le cabinet du ministre, puis mise en consultation en vue d’aboutir au document final “avant l’été”. Gabriel Attal demande au ministre de mettre l’accent sur le monde agricole, le régime d’assurances, et le suivi des inondations dans le Pas-de-Calais.

Ensuite, la planification écologique. Celle-ci entre dans une phase de déclinaison par secteur et par territoire, avec les COP régionales, ces exercices copilotés par l’Etat et les régions et visant à affiner les pistes de réduction d’émissions au niveau local (l’avant-dernière se tient cet après-midi, voir plus bas). Christophe Béchu devra en profiter pour “identifier et débloquer les verrous”, puis soumettre, “avant l’été”, “un paquet de mesures d’accélération de la transition écologique”, écrit le Premier ministre.

Enfin, une contrainte : le déficit. Comme pour les autres membres du gouvernement, Matignon réclame des suggestions de “mesures structurelles qui contribueront au redressement de nos finances publiques”. Les esprits chagrins rappelleront que l’écologie représente déjà plus de 20% des 10 milliards d’euros d’économies décidées mi-février. Mais ne parlez pas de coupes : “Le budget de la Transition écologique augmente moins que prévu, mais il augmente”, insiste un conseiller de Christophe Béchu.

Et c’est pas fini… Le ministre aura également à sa charge la publication des textes sur la réutilisation des eaux usées (au printemps), une réforme de la gouvernance des filières qui organisent collecte et recyclage (en mai), connues sous le doux acronyme de REP, l’accompagnement des 50 sites les plus consommateurs de plastique (avant l’été), ou encore le One Water Summit (en septembre).

A PEINE NÉ, DÉJÀ CONTESTÉ. Le décret sur l’agrivoltaïsme paru hier (enfin ! diront certains) est déjà menacé. La Confédération paysanne est bien décidée à déposer un recours contre le texte, y voyant “une menace pour notre souveraineté alimentaire”. Les députés socialistes pourraient leur apporter un soutien, a appris mon collègue Arthur Nazaret.

Concours rose. “Ce décret doit faire l’objet d’un recours”, confirme un député à la rose, qui dit étudier encore les modalités. “Pour nous, une terre agricole doit rester une terre agricole”, complète la députée Anna Pic (PS) qui n’est pas opposée à l’agrivoltaïsme par principe, mais plaide pour une limite de 20% de couverture des sols par du photovoltaïque, afin de rester dans le cadre d’un “complément de revenu”.

Les chiffres. Le décret, vivement attendu par les secteurs agricoles et renouvelables, fixe un cadre juridique à la pratique. Il limite en l’état à 40% le taux de couverture des sols par des panneaux, et précise que le rendement des terres concernées ne doit pas baisser de plus de 10%.

Autres sons de cloche. En réflexion, les remuants Jeunes agriculteurs sont encore en train d’analyser les détails du décret mais semblaient satisfaits des grandes lignes. “Les agriculteurs restent des agriculteurs et ne deviennent pas des énergéticiens”, respire un responsable des JA. Le lobby du photovoltaïque Enerplan salue “une première étape” et le Syndicat des énergies renouvelables aussi.

GOOD COP, LAST COP. C’est à Rennes, en Bretagne que se tiendra cet après-midi la dernière COP régionale. Cela se fera en présence du président de région, Loïg Chesnais-Girard, et d’Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique. Christophe Béchu suivra la rencontre en visio. Ne manquera plus que la Guyane pour achever ce travail de “territorialisation” de la planification écologique.

La Bretagne est un cas particulier : elle avait déjà lancé sa propre consultation régionale sans attendre le gouvernement. Il s’agit donc plutôt d’un “point d’étape”, explique le cabinet du ministre.

Dans les prochains épisodes, le ministre espère ramasser les copies des régions durant l’été pour évaluer leur cohérence avec les objectifs nationaux.

RECALÉ. La Cour européenne des droits de l’Homme a jugé la requête de l’eurodéputé écolo Damien Carême contre la France pour inaction climatique “irrecevable”. La Cour a en revanche donné raison au collectif suisse des Aînées pour le climat, jugeant par seize voix contre une que le gouvernement helvétique a “manqué à ses obligations” en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Ma collègue bruxelloise Federica Di Sario vous en dit plus ici.

LA PENE EST DANS LE ZAN. La liste des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) est enfin prête. Christophe Béchu a pris l’arrêté égrenant les 244 projets retenus, et s’apprête à les soumettre à la consultation, comme votre infolettre vous l’annonçait hier. Ces projets sont jugés d’intérêt général majeur et seront donc comptabilisés dans un forfait à part dans le cadre du “zéro artificialisation nette”.

La constitution de la liste n’a pas été de tout repos. Les députés Bastien Marchive (Renaissance) et Mathilde Hignet (LFI), qui ont pu en consulter un brouillon, partagent les agacements de certaines régions. Ils exposent leurs griefs dans le rapport d’application de la loi ZAN qu’ils présentent tout à l’heure en commission, et que votre infolettre a pu consulter en avant-première. 

Grincements de dents. Regrettant que la liste “tarde à être publiée”, les députés se font l’écho du “déséquilibre” dans la répartition de ces projets entre les régions. Ils relaient le cas de la Bretagne, peu satisfaite de n’avoir que 30 hectares d’artificialisation inclus dans la liste des PENE, alors qu’elle devra délester son quota de 807 hectares au nom de la solidarité entre régions.

DÉNOUEMENT ASSURÉ. Le Parlement a adopté hier le projet de loi sur la sûreté nucléaire. Nous vous l’annoncions serré, le vote à l’Assemblée nationale ne l’a finalement pas été, les voix du Rassemblement national lui ayant assuré un passage avec une marge confortable, par 340 voix contre 173. Le texte serait passé sans les voix du RN, a tenu néanmoins à faire savoir le cabinet de Roland Lescure.

Grâce à ce texte, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) issue de la fusion de l’ASN et de l’IRSN doit voir le jour au 1er janvier 2025. La nomination “dans les prochaines semaines”, toujours selon le cabinet du ministre, d’un préfigurateur qui “accompagnera le processus” doit faciliter le rapprochement, dans une atmosphère électrique.

On-n’est-pas-fatigués. Quelque 300 salariés de l’IRSN s’étaient rassemblés dans l’après-midi pour protester contre la fusion annoncée, derrière une camionnette portant un cercueil fleuri arborant les deux logos de l’ASN et de l’IRSN, a pu constater mon collègue Nicolas Camut sur place. Ambiance.

— Les parcs éoliens et solaires produisent à plein régime, obligeant EDF à mettre des réacteurs nucléaires au chômage technique. C’est Bloomberg qui l’explique. 

— La Commission européenne ouvre une enquête sur des subventions en faveur d’éoliennes chinoises déployées notamment en France, a appris mon collègue Stuart Lau. Plus de détails arriveront bientôt, on l’espère.

— Luc Rémont, le patron d’EDF, répond aux Echos sur la capacité de l’entreprise à construire le nouveau parc nucléaire, invitant à ne rien précipiter, et sans donner trop de détails.

Un grand merci à Judith Chetrit et notre éditeur Alexandre Léchenet.

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